Est-ce qu’écrire sur un blog en 2020 a encore un sens ?
Pour moi le 31 décembre est une sorte de date anniversaire, celle où j’ai créé l’ancien blog. Ou celui avant l’ancien blog. Je m’y perd un peu, entre les changements de pseudonyme, les changements d’adresse et les disparitions d’articles et de commentaires dans les méandres de l’internet.
Qui était là à l’époque de mon tout premier blog ? Il y a dix ans, quand j’écrivais des conneries plus lourde que moi ?
Qui était là sur la deuxième partie ? Qui m’a perdu, qui m’a retrouvé ?
Je ne suis pas sûr de vouloir le savoir. Entre mes premiers stages et aujourd’hui, on arrive à la dizaine d’année. Est-ce que je vais céder à la facilité d’un bilan en forme de top 10 ?
Nan.
Si. Peut-être.
Alors déjà, la chose la plus marquante de ce tiers de ma vie qu’a été la période 2009-2019, c’est que je suis devenu sage-femme. Je ne peux pas ne pas commencer par là.
Avant que mes récits ne se perdent dans les méandres des serveurs du web mondial, j’ai déjà étoffé le récit de mes études et de mes débuts professionnels au fur et à mesure ; je sais surtout que je vais le réécrire au fil de mes souvenirs.
Je pense que je suis surtout sorti de l’école de sage-femme avec beaucoup de doutes. J’ai eu envie de fuir. L’école fait ça, à la fin, entre la pression des examens, des jurys et des évaluations. Quand on sort de ce microcosme, on se heurte au monde réel de l’hôpital. Autant l’école m’a fait passer d’un adolescent mal dégrossi à un adulte presque responsable, autant mon premier travail m’a mis à terre.
J’ai eu l’impression d’être perdu dans un monde que je connaissais par cœur. Tout d’un coup il y avait plus de charge administrative, des collègues qui jugeaient mon travail au lieu de me conseiller. J’ai dû apprendre, un peu vite, un peu en force, et je pense que ça ne m’a pas totalement aidé à faire un bon travail à ce moment là.
En même temps j’avais peur. Trouver un contrat était compliqué, le chômage était une réalité pour les jeunes sages-femmes, et même si mes parents m’ont aidé j’avais envie d’être autonome.
Je pense que je ne serai jamais devenu la sage-femme que je suis si je n’avais pas rencontré des gens géniaux en chemin. Évidement que Twitter m’a aidé, mais pas seulement. Je suis arrivé sur ce réseau en 2009, et j’ai vu la communauté évoluer.
Est-ce que je me retrouve à écrire un article d’il y a deux ans sans m’en rendre compte ? Un peu. Donc j’ai mis un lien à la place.
Le truc marquant c’est qu’il y a 3 ans j’ai osé faire un truc un peu fou : j’ai créé mon cabinet de sage-femme. Cela fait deux ans que je me dis qu’il faut que j’explique « pourquoi j’ai quitté l’hôpital ». Il y a un article inachevé qui traîne en brouillon depuis le début de ce blog, et que je n’arrive pas à publier. Il ne me plaît pas. Je pense que mon impulsion de l’époque n’était pas tout à fait raisonnée. J’avais l’impression de tourner en rond, de faire mal mon travail. Je n’allais pas vraiment bien… Du coup j’ai décroché mon téléphone, j’ai appelé 10lunes, je lui ai dit « Je veux me mettre en libéral, on fait comment ? » Et ensuite je me suis formé un peu, j’ai trouvé un cabinet de façon inespérée et j’ai ouvert. Trois ans et plusieurs nuits blanches à regarder mon plafond, angoissé par mon emprunt à la banque et mon découvert professionnel, je ne regrette presque rien !
Mon cabinet m’a appris qu’il fallait prendre soin de moi, et ne pas trop me disperser. Je pense qu’il y a 7 ou 8 ans, au moment où j’ai fini mes études, j’ai fait un petit burn out. Je voulais tout faire, le mieux possible et surtout ne décevoir personne. Je réagissais aussi facilement à la colère et à l’indignation. Ce sont des émotions importantes, mais ce ne sont pas de bons moteurs. Je ne peux pas vivre pour elle. Je ne peux plus crier haro dès qu’un sujet m’agace ou qu’un indélicat raconte des bêtises. Ça ne doit pas être ma vie.
Je me suis rendu compte qu’il fallait prendre d’abord soin de soi avant de prétendre aider les autres. Ça compte pour le travail, mais aussi pour les engagements militants et les amitiés. Je n’ai que quelques heures de sommeil par jour, et j’ai décidé que les utiliser pour dormir était sain.
En fait, je crois qu’approcher de la trentaine m’a surtout fait prendre conscience de mon corps et de ses limites. Ma formatrice sage-femme m’avait dit que le sommeil était la clé, et le libéral m’a redonné un rythme presque normal. Elle avait raison.
Il m’a surtout donné l’occasion de faire du sport un peu plus souvent, et de faire de la danse. C’est fou qu’il faille attendre la trentaine pour accepter de franchir ce pas. Reprendre une activité hebdomadaire a été vraiment libérateur. J’ai rencontré des gens, je me suis lancé de nouveaux défis, et j’ai surtout fait autre chose.
Je me rends compte que c’est un privilège.
Donner quelques heures par semaine à une activité que ne rapporte pas d’argent, même qui en coûte, pour se faire juste du bien et se vider la tête, oui, c’est un privilège.
Mais c’est aussi un milieu d’expérimentation qui m’a apporté beaucoup de compréhension sur le consentement, sur la façon d’aborder le contact physique avec des inconnus.
J’ai continué à écrire.
Si je dois retenir quelque chose de mes dix dernières années, c’est que je continue à essayer de tenir un blog et d’aligner quelques mots qui seront peut-être pas lus.
Je ne sais pas qui lit encore des blogs, en 2019. Est-ce qu’ils ont même du sens, maintenant que les journalistes se sont appropriés le format du web, et produisent de quoi nous occuper des jours entiers ? À l’époque où tout le monde pouvait avoir son petit journal en ligne, ça se comprenait bien, cette façon d’utiliser internet, notamment parce que la presse traditionnelle balbutiait sur un modèle économique en ligne.
En vrai, à quoi ça servirait un blog de sage-femme en 2020 ? Je ne vends rien, je n’ai pas de boutique en ligne.
J’ai juste des mots.
Si vous êtes encore là pour les lire, peut-être qu’ils continueront à exister.
Photo by Tim Zänkert on Unsplash
On ne se connaît pas mais je te lis dés que tu écris quelque chose. Le temps passe et nous grandissont dans notre métier et c est ce ui fait notre force car nous apprenons de la vie et nous apprenons au contact de nos patientes. Bonne et heureuse année à toi et ta chérie.
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Je te lis aussi quand tu (peut-on se tutoyer?) écris quelque chose, et pour moi ça sert à ça un blog : permettre à des gens (à moi, égoïstement!) de s’évader, de découvrir d’autres pensées, d’autres vies, d’autres rêves.
Je ne connais rien au milieu médical, je ne connais rien au métier de sage-femme, et pourtant tu m’inspires, tu m’aides à avancer, à faire mes propres réflexions.
J’ai vu des blogs fermer, s’étioler, s’arrêter doucement, et j’y retourne régulièrement dans l’espoir que… peut-être… j’y trouverai un nouvel article, une nouvelle force… même si je sais que rien n’y a été publié depuis des années, je tente ma chance…
Alors s’il te plaît, n’arrête pas! Pas envie d’avoir un nouveau blog dans mon cimetière des blogs non-oubliés…
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J’aurais aimé écrire les mots de Florence, je m’y retrouve totalement. Alors merci encore pour tes mots, qui me font rêver, sourire, pleurer parfois. Merci de cette soif d’écrire et de partager qui répond à notre soif de lire.
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