On interrompt la séance d’un commun accord parce que la Belette − les bébés ont des pseudo, oui − sur son ventre commence à râler sévèrement. Il s’agite, refuse le sein, et l’odeur univoque provenant de son arrière-train est un argument suffisant pour nous mettre d’accord.
Elle s’est redressée sur le bord du divan d’examen, elle a pris son fils face à elle. « Qu’est-ce qu’il y a ma Belette ? » demande-t-elle en le berçant un peu. Cris, pleurs. « Ben alors, qu’est-ce qu’il y a ? Belette ? » Le bercement s’intensifie, l’amplitude aussi.
« Je vais vous laisser vous rhabiller » j’interviens. « Elle va se calmer, je suis sûre… − Je vais essayer de mon côté. Tenez, voilà de quoi vous essuyer. On fait un échange, d’accord ? » Je lui prend doucement des mains. Je respire mieux. J’essaye mes techniques habituelles. Est-ce que c’est la danse ou mon odeur, étrangère, qui agit ?
Il est 19h, après une longue journée. Elle hurle. Pas tout le temps, pas en permanence. Je lui chante des choses douces à l’oreille, des improvisations de blues ou des chansons populaires, je fais des tours dans l’obscurité de ma chambre. Elle se calme, puis elle repart plus fort qu’avant.
Je crois qu’on ne nous a briefé sur les pleurs de décharge que le deuxième jour du séjour à la maternité.
Je ne savais pas. La parentalité, ça s’apprend au contact de ceux qui ont expérimenté avant nous. Heureusement nous sommes bien entourés.
Elle me hurle dessus. J’ai envie de mordre le coussin.
J’ai envie de crier aussi.
Ma chérie est dans le canapé avec son casque et la musique à fond.
J’ouvre la porte et je lui fais signe.
« Relais ».
C’est son tour.
Pendant mon quart d’heure de calme, pour la première fois, je comprends.
Peut-être que si on la berce fort, peut-être qu’en la secouant un bon coup, peut-être que ça s’arrêtera.
Je savais, mais j’entrevois un truc. Une explication.
Pendant que la patiente se rhabille, je change la couche.
Je dois faire ça cinq fois par an grand maximum pour les enfants des autres.
La Belette gazouille, sa maman se calme. « Vous arrivez à vous reposer un peu ?
− Pas trop. C’est tellement dur…
− Oui. » Nos yeux échangent un moment de compréhension.
« Maintenant, il va falloir qu’on ait une discussion chiante. Désolé, c’est aussi mon travail ». Elle sourit.
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Une réflexion sur “4 La Belette”