Elle redoutait son deuxième accouchement, tellement qu’on avait presque passé les deux premières heures de préparation à la naissance à faire le post-mortem du premier. J’avais commencé le cours, et la discussion avait fait une sortie de route, comme si le passager à côté de moi avait décidé de prendre soudainement le volant.
Alors on est deux, on lutte un moment pour savoir dans quelle direction tourner, le véhicule fait des embardées et des dérapages chaotiques ; j’ai fini par comprendre avec l’expérience que lâcher prise était souvent la seule solution. Après tout c’est sa préparation.
« Je ne veux pas de péridurale cette fois » parce que la première l’avait changée en plomb. « J’ai très peur de l’accueil de l’équipe », une sage-femme lui ayant dit « qu’elle n’y arriverait jamais » et d’autres choses trop banales qui détruise la confiance d’une future maman.
On a tout repris, disséqué, digéré, jusqu’à ce qu’il y ait un blanc d’un minute. J’ai oublié la plupart des détails, mais ce n’était pas un moment pour moi.
À partir de là on a pu travailler et créer son projet de naissance.
Son premier jet faisait 8 pages. J’ai pensé à mon hypothétique future collègue, tombant dessus en ouvrant le dossier, et j’ai grimacé jaune. « Je ne peux pas travailler avec ce projet. Pas comme ça.
− Qu’est-ce que j’écris alors ? J’ai mis tout ce à quoi je pensais.
− Est-ce qu’il n’y a pas déjà une partie de ce projet qui fait parti des pratiques de l’établissement ? »
Ça a été sa base de réflexion pour un deuxième jet. Clair, simple, rapide.
Je propose d’ailleurs son plan pour en discuter avec les patientes :
Partie 1 : qui nous sommes, ce qu’on voudrait, ce qui nous fait peur.
Partie 2 : pourquoi nous avons choisie cette maternité et ce que nous en attendons.
Partie 3 : ce que vous pouvez faire pour nous aider le jour venu.
Quand je suis arrivé chez eux le samedi suivant l’accouchement, elle était en train de donner le sein.
« Fatiguée, mais heureuse. »
On a parlé de cette seconde expérience, de la gestion de la douleur. « J’ai quand même pris une péridurale » m’a-t-elle dit. J’ai acquiescé gravement. « Oh mais ça n’avait rien à voir. Ils avait lu ma lettre, ils l’ont dosé juste ce qu’il fallait, j’ai tout senti. C’était merveilleux. »
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