J’étais aux rattrapages. En clinique.
Clairement, j’étais pas fier, ce matin de septembre, en tenue dans une des annexes de la maternité-école.
J’avais des cernes comme ça d’une nuit à cogiter. Qu’est-ce que j’avais fait pour en arriver là ? Est-ce que j’avais juste été mauvais ?
A l’époque je me demandais même si je devais continuer. Une infirmière de bloc qui m’évaluait en fin de stage, deux semaines plus tôt m’avait même demandé « T’es sûr que tu veux être sage-femme ? » À l’époque je l’avais pris avec orgueil et j’avais relevé la tête, mais est-ce qu’elle avait vu quelque chose ?
Je secoue la tête.
On est cinq autour devant une table, devant des formatrices qui nous regardent pour nous dire « vous ne devriez pas être là ».
Je repense à ma clinique ratée pendant l’année. L’envie de me frapper la tête contre les murs tant j’ai eu l’impression d’avoir été nul. Une impression d’injustice. Il y a dix boules de papier sur la table. Dix dossiers.
C’est quoi une clinique ?
Une évaluation, une sorte d’oral très bizarre qui implique une patiente volontaire, qu’on ne connait pas, un dossier, qu’il va falloir regarder en un quart d’heure, et ensuite un examen devant une sage-femme de l’équipe et une formatrice. Tout est tiré au hasard.
J’aimerais revenir dix ans en arrière pour me signaler que ça représente mon quotidien, sans autre jury que mes patientes.
Je respire un grand coup, puis j’ouvre mon papier. « Ah, vous avez un nouveau-né, Jimmy. »
Oh, ça tombe bien. À l’époque c’était ma matière faible.
« On y va ? » me demande la formatrice. « Avec la tête que vous faite, je vous proposerez bien un dernier verre, mais…
− Jamais pendant le service. » Je souris. Un peu.
Elle sait que je suis tendu avant ces évaluations.
Aujourd’hui encore, les instants suivants restent flous dans ma tête.
J’ai essayé de faire une synthèse du dossier, ce que je pouvais faire de mieux à l’époque, sans liens logiques. Et, ensuite, je me suis souvenu du pédiatre en cours qui nous avait dit « n’hésitez pas à parler aux nouveau-nés », donc j’ai décidé que j’allais juste m’amuser. J’ai fait un sourire franc à la mère, je lui ai posé les questions qui me venaient sur l’alimentation de son fils. J’ai parlé en faisant mon examen, à elle et au bébé.
L’évaluation a été immédiate.
« Vous l’avez. Je ne sais pas pourquoi vous êtes aux rattrapages. Ça manquait de rigueur dans le dossier, mais…
− Ça faisait plaisir à voir, on voit que tu aimes ce que tu fais », a juste dit la sage-femme.
Je l’ai cru.
J’avais oublié, après des stages harassants pendant tous l’été, qu’en fait je continuais mes études parce que j’aimais ce travail.
Elle m’a rappelé à moi-même.
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