Le courrier, c’est comme les boites de chocolat, on ne sait jamais ce qu’on va trouver…
Des lettres, en fait, globalement.
Il y a bien dans le quartier quelques pakistanais ou srilankais à la mine accorte qui passent les portes pour livrer leurs pelletées de prospectus publicitaires, certes. Paris fait qu’on trouve régulièrement des démarchages d’agence immobilière en quête d’exclusivités, des plaquettes à l’allure officielles pour donner des numéros d’artisans qui sur-factureront l’ouverture d’une porte claquée, des adresses pour commander des sushi, des pizzas, ou des tracts électoraux.
Parfois, entre deux pub de formation, une revue ou des résultats d’analyse, il y a une enveloppe plus spéciale. On sent une sorte d’amour dans la calligraphie de l’adresse, dans le grain du papier, dans le timbre choisi…
En général, c’est un faire-part. Les sages-femmes adorent ça. J’ai deux tableaux dédiés derrière mon bureau, et quand je regarde les photos des enfants qui doivent maintenant courir dans les cours d’école, j’ai la sensation aiguë du chemin parcouru.
Au niveau du secret médical, ça trahit parfois mes patientes, quand des couples reconnaissent un faire-part de leur frigo sur le mur. Ils déclenchent parfois des discussions sur les prénoms, même si j’ai un biais de recrutement assez net.
Ce matin de février, je trouve entre deux prospectus une enveloppe rose avec un timbre chaton. J’ai déjà le sourire, je me le garde pour la pause-déjeuner, au moment où j’aurais du temps pour lui trouver une place. Je viens d’acquérir mon second tableau.
Et la matinée me passe dessus.
À 13h20, j’ai oublié le faire-part, qui se trouve sous mes clés.
C’est assez surprenant, parce que dans l’enveloppe rose se trouve un arbre plié et un petit mot.
C’est joli, très printanier.
Il n’y a pas de prénom ou de photo de bébé.
À la place un petit mot pour me remercier de l’avoir mise sur la voie d’une ligature des trompes.
Et c’est marrant, mais je ne m’attendais pas à ça. C’est un faire-part, mais de non-naissance.
C’est beau en un sens.
Cette patiente était venue presque sereine, parce qu’on lui avait donné mon nom sur Internet. Elle sait qu’elle ne se fera ni culpabiliser, ni jugée. On avait discuté d’un sujet qu’elle connaissait déjà par cœur, car cinq ans à faire des recherches, à attendre les trente ans où on lui avait prédit une sorte d’étincelle ovarienne qui ne vint jamais, ça permet de creuser. Les méthodes, les conséquences, les risques. « Il y aura 4 mois de réflexion — Pour ce que ça changera dans ma réflexion. »
On avait discuté un peu de ce pays étrange où certains soignants pensent décider à la place des femmes, et je lui avais donné la liste qu’elle était venue chercher.
Je regarde cet arbre qui se déploie pour tenir debout, le socle avec le petit mot écrit.
Est-ce que je l’accroche avec les bébés sur le tableau, ce merci de ne pas devenir mère ? Non. C’est un autre genre de faire-part.
Je lui trouve une petite place sur un meuble, à côté des décorations. Les gens qui le croiseront penseront juste que j’aime les trucs japonisants, mais moi, je saurai.
Je trouve toujours plaisant de vous lire, merci de partager ainsi ! Et du coup je repense au (on dit « au ? ») sage-femme qui m’avait suivie sur les derniers mois plus stressants que prévus…
Je profite de ce petit mot pour vous proposer de participer à l’échange littéraire que nous avons mis en place avec quelques blogueurs : il s’agit de publier l’un chez l’autre un texte illustré ou non, le premier vendredi du mois.
Le prochain thème est « l’impossible solution ». Si vous le souhaitez, vous pouvez lire les précédents chez moi (entre autres), catégorie « va-et-vient ».
Au plaisir de vous lire quoi qu’il en soit !
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Merci, ça me fait plaisir.
Pour le moment je ne sais pas si j’ai le temps de participer ou d’accueillir ce type d’échange littéraire, mais je garde ça dans un coin de ma tête 😊
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Alors une prochaine fois peut-être !
À bientôt ! (:
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