Je pique le titre sans vergogne à Ursula. Désolé Ursula. Et merci.
Le matin de la rentrée j’avais les yeux ouverts avant le réveil. Ils étaient secs. J’ai secoué mon corps courbaturé du ménage de la veille. Rester occupé, essayer de ne pas réfléchir. Je me suis jeté sous la douche. J’ai pris de l’avance.
J’ai habillé ma fille et mon fils, j’ai pris une tonne de photos.
J’ai été rencontrer la maitresse en classe, on a discuté et fait connaissance. Je lui ai expliqué que tu n’étais pas là pour le moment, mais que j’avais l’espoir que ça change. Je ne suis pas sûr qu’elle ait absolument tout compris.
Mon deuxième a couru partout dans la classe pour jouer, je lui ai couru après. Puis j’ai laissé ma fille et je suis rentré pour la journée avec mon fils. Sur le chemin du retour, j’ai ouvert mon téléphone. « Coucou, la grande est à l’école. »
J’ai fait ce geste tous les matins de l’année précédente.
Je dépose ma fille à l’école, je fais des transmission à la maitresse, je quitte le bâtiment, je te laisse un vocal. La routine est réconfortant. Je fais comme d’habitude. J’ai l’impression que le monde s’effondre autour de nous, et pourtant le cadre m’aide.
Ma sœur est venue te voir, on a fait un appel en visio. Tu commences à essayer de marcher le long du couloir. Avec de l’aide tu parcours quinze ou vingt mètres.
Je récupère la grande, je fais le dîner, je couche les enfants, je suis épuisé. Je dors mal.
Le lendemain, l’alarme a sonné dans le vide pendant 15 minutes.
Mon fils, blotti contre moi, m’a mis un coup de pied.
Le sommeil ne voulait pas partir.
Pourtant il fallait préparer tout le monde, emmener ma fille à l’école, mon fils à la crèche, puis ouvrir le cabinet. Nous attendions ton rapatriement sanitaire avec impatience. J’ai laissé des vocaux. À chaque étape. Comme si je voulais croire que tu étais juste restée te reposer à la maison pendant que je faisais ma vie. Cette routine est devenue la mienne pendant un mois.
L’infirmière de l’assurance a décidé de son côté, seule, que tu étais en danger. Sans voir le dossier. Et donc ça sera demain.
Demain c’est loin. Heureusement Sofia a fait l’aller-retour de Paris pour te tenir compagnie.
Tu as été transférée à Paris le mercredi. Ça faisait une semaine d’hospitalisation. Je n’avais rien dit aux enfants tant qu’on n’étaient pas sûr, mais j’ai ajouté une étape : la routine du matin, la grande à l’école, le petit à la crèche, ouvrir le cabinet, manger en dix minutes, t’appeler, traverser Paris dans un sens, récupérer l’un, retraverser Paris, récupérer l’autre, il est 17h30, aller te voir à l’hôpital. Tu es debout, n’as plus de perf. Tu sens bon. Tu m’as tellement manqué.
Dans le salon des familles les enfants jouent, on discute. Le normal fait du bien.
J’ajoute cette étape à ma routine.
Le lendemain…
La fatigue rend idiot. On ne réfléchit plus. Les problèmes du monde paraissent tellement loin quand la charge du quotidien prend le dessus. Je n’aurais pas la prétention de dire que je portais 50 % de la charge mentale de notre famille. C’est bien pour la légende dorée du bon papa sage-femme qui montre l’exemple.
Récupérer l’intégralité, gérer les autres qui sont à l’extérieur, ça, je l’ai pris de plein fouet.
J’ai entrevu le quotidien des parents célibataires. C’est tellement dur. Sans même imaginer s’il y a des violences autour de la séparation.
Tu es restée hospitalisée pendant encore une semaine avec des visites et des permissions. Tu es rentrée fatiguée, mais au moins tu es rentrée.
J’ai installé une nouvelle forme de quotidien. Bien obligé d’adapter le rythme de travail. J’ai discuté ave l’équipe de Nanterre pour modifier les horaires. J’ai travaillé moins et j’ai essayé de prendre des pauses dans les quarts d’heure manquants : quand j’arrive trop tôt pour la crèche, quand le RER est favorable avant la première consultation. Le poids sur les épaule est sidérant, mais je n’ai pas le choix. Fléchir maintenant aurait trop de conséquences pour le moment..
Nous avons besoin d’un monde qui ait l’air normal.
Moi le premier.
C’est très lourd ce genre de situations. 😘
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On survit. C’est tout ce qui compte.
Je sors progressivement la tête de l’eau.
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