Je fais presque la recette de ma grand-mère.
Vous prenez 3 patates moyennes et vous gardez la peau.
N’oubliez pas de lancer le préchauffage du sautoir si vous êtes en vitrocéramique.
Ah, et la casserole d’eau pour le petit plat du deuxième. Aujourd’hui c’est dinde-artichaud-persil, le genre de mélange sur lequel je n’aurais pas parié un kopeck et il l’a dévoré.
Et quand il mange seul, de bon cœur, sur sa chaise haute, j’appelle ça : un putain de miracle.
J’aime pas les patates dit la grande. Oui mais il y aura des saucisses et des concombres en salade avec. Et du fromage ? Oui, on en a acheté hier tu te souviens ?
Elle repart donc faire du bruit dans la salle à manger pour aligner des magnets sur le piano et « décorer sa maison ».
Je frotte les charlottes, je les lave et je les sèche bien.
Ensuite je met l’huile de pépin de raisin à chauffer dans la poêle.
A vu de nez une bonne cuillère à soupe, mais sans doute un poil plus.
Et pendant que la température monte, je coupe des morceaux d’un centimètre et demi.
Ah ! Je devrais aussi mettre une poêle pour les knackies !
Je mets les patates découpées dans la poêle et je les fais sauter. Pas remuer vaguement à la cuillère en bois. J’ai envie de les enrober dans l’huile chaude. Ensuite je les laisse tranquillement dorer. Le minuteur du petit plat vient de sonner et c’est l’heure de la bataille.
[Insérer ici le moment où mon fils mange son petit pot, plus ou moins seul, et où c’est un peu moins la guerre que prévu. Même s’il prend un biberon d’eau pour essayer de transformer la table en parc aquatique sous les encouragements de la grande. Des photos sont envoyées comme pièces à conviction à sa mère qui est en garde en suites de couche.]
Ça fait genre 10 minutes que ça cuit.
J’ai fait sauter un peu, à mi-chemin, histoire de faire dorer plusieurs côtés. L’important c’est le son qu’elles ne font plus. L’eau a arrêté de s’échapper, elles grésillent moins, donc j’entends facilement mon podcast en même temps.
Je mets un couvercle et je réduis le feu à « faible ». Entre « tout doux » et « moyen ». Et pendant ce temps-là, je lance les saucisses. Je trouve que ça rend les knackies plus acceptables, de les saisir dans l’huile à feu vif. Ça évite le côté boudin mou.
Je fais sauter avec le couvercle, et quand ça commence à approcher du brun clair je rajoute l’assaisonnement. J’ai choisi : de l’ail et de l’échalote en poudre, du poivre noir et une bonne pincée de fleur de sel. Et du piment d’Espelette. Et un trait de jus de citron. Je mélange bien et je remets le couvercle deux minutes. Et je goûte.
Elles sont fondantes, mais pas encore croustillantes. Il faut une autre pincée de sel aussi.
Ma fille va dire « c’est comme de la purée. Beurk ! » — le seul enfant au monde qui fait la fine bouche devant une purée maison. Du coup je retire le couvercle, remet le feu à fond, et je tend l’oreille pendant que je coupe le concombre.
J’aimerais dire un truc prétentieux, genre « l’éducation commence dans l’assiette ».
Ça l’occupe quand le reste est trop chaud, ça lui évite la constipation.
Et c’est peut-être sain pour tout le monde de commencer par des crudités ou une salade.
J’ai un concombre fatigué dans le frigo qui a besoin d’éviter l’humiliation de la poubelle de toute façon.
Je mets tout sur mon assiette ; je donne la sienne et ses couverts à ma fille pour qu’elle mette la table.
Si vous avez du sopalin, ça peut-être bien d’éponger le gras des patates avant de servir.
Elle n’aura pas les saucisses directement. Ah, ça non.
Au concours du plus gros mangeur, de ses 3 ans et demi, elle mettrait à l’amende les trois quarts des concurrents — avant de tout vomir parce qu’elle n’a rien mâché. Donc les saucisses sont sur mon assiette et chaque morceau sera négociée en bouchée de concombre ou en patate avalée.
J’en mange une, la peau craque légèrement sous la dent, l’intérieur fond dans la bouche. Je suis content de moi. « Merci papa pour le repas, j’aime bien tes patates. » Je me retiens de les manger trop vite.
D’autant plus que l’agent du chaos en personne, connaissant ses droits, me harcèle à présent. Ses petites mains tentent de saisir ce qui se trouve à leur portée sur la table, sa bouche s’ouvre et se ferme anarchiquement. Je lui tends donc une pièce de choix qu’il englouti avec gourmandise.
Avant de recommencer.
Une réflexion sur “Les patates sautées (1)”