Je suis en cours de préparation à la naissance, les mains sur le schéma, le quatre-couleur dans l’autre, et sur mon bureau, mon téléphone sonne.
Je suis avec ma patiente, en train de discuter de zone grise dans son couple, et mon téléphone sonne.
Je suis en train de poser un DIU, et mon téléphone sonne.
Je suis à domicile avec un couple, on discute de leur longue nuit de pré-travail, de ma collègue qui les a accueilli aux urgences, de leurs joies, de leurs craintes, et, dans ma pochette, mon téléphone sonne.
C’est assez rare que mes patientes m’appellent, car, par convention avec elles, on communique beaucoup par messages. L’avantage c’est que je peux répondre entre deux consultations ou programmer un appel téléphonique.
Il y a 2 types de personnes qui m’appellent donc : les vendeurs d’assurances et les nouvelles patientes.
Le cas des premiers est, je pense la plaie des différentes professions libérales. Les courtiers en assurances ont leurs moments dans l’année et utilisent souvent l’excuse d’une réforme récente pour « prendre un rendez-vous et faire le point sur votre situation ». Je connais leurs technique d’école de commerce à la noix, et ça m’intéresse peu.
L’autre est infiniment plus délicate et, en ce moment, d’actualité : des patientes que je n’ai jamais vu veulent des visites à domicile après leur sortie de maternité.
Depuis le premier confinement, et l’arrêt progressif de l’organisation des sorties par l’assurance maladie, la situation des suites de couche à domicile est devenue beaucoup plus précaire. Déjà, il faut dire que les sorties précoces semblent pour certaines maternités être devenue une norme. Les copines racontent leur tonneaux des Danaïdes, leurs gardes en suite de couche qui consistent à essayer de prendre en charge toujours davantage de patiente avec toujours autant − ou même parfois moins − de moyens.
Il y avait des critères pour cadrer une sorte d’éligibilité, je crois. Comme le volontariat.
L’augmentation des inscriptions fait quand même que la raison principale est devenue « on a 5 patientes à recoucher, et pas assez de lit, voyez avec votre sage-femme libérale ».
Le problème c’est que, pour certaines structures, ça ressemble davantage à « voici une liste de sages-femmes à appeler, vous devez voir quelqu’un à la maison, bon retour. » La norme des visites à domicile est même devenue une sécurité pour les équipes qui comptent parfois un peu sur nous pour faire un service après-vente.
Donc mon téléphone sonne. Et je réponds quand je peux.
Je ne peux souvent pas faire ces visites, parce que les patientes que je connais déjà passent en premier, et que j’essaye d’avoir du temps pour ma famille, pour mon couple, et tout bêtement pour les patientes que je vois en soin programmé. La culpabilité est là, mais j’ai appris à dire « non » et à me protéger.
Je ne suis pas seul dans l’arrondissement, hein, je travaille avec les autres sages-femmes, et on s’entraide. Mais la sage-femme libérale et la PMI ne pourront pas absorber l’effondrement de l’hôpital public.
Photo de Meg Boulden sur Unsplash
Une fois sur les trois, j’ai eu la chance que mon enfant naisse à un moment où la – plutôt petite – maternité était calme (pas de naissance 24h avant, pas de naissance 24h après), et ça a TOUT changé, en terme de disponibilité de tout le monde dans l’équipe, de ressenti, d’assistance… j’ai même pu dormir les deux premières nuits, car le personnel a proposé de prendre en charge mon bébé la nuit (et me l’apporter juste pour la tétée). C’était un luxe, ça devrait être la norme.
Après, je pense que le dégradation est la me^me dans tous les services publics, malheureusement.
J’aimeJ’aime