« Je viens vous voir parce que je ne sais pas quoi faire. J’ai tout essayé, ne me jugez pas » dit-elle, avant même de poser son sac. Elle prend un siège, puis une grande inspiration et son courage à deux mains. « J’ai des mycoses à répétition, et je suis désespérée. Je suis sûr que vous allez me prendre pour une folle. »
− Et qu’est-ce qui vous pousse à penser ça ? »
C’est un peu un des trucs les plus courant en gynécologie faite par les sages-femmes, les mycoses. Le fait que cela soit des traitements locaux pour un truc chiant mais bénin fait que ces consultations tombent dans cette zone grise du « c’est pas totalement de la physiologie, mais c’est pas non plus totalement de la pathologie ».
Et j’ai l’impression que ce sujet ne passionne pas les foules.
On commence à discuter, dans une consultation moins cadrée que d’habitude. Je recule d’un pas et je la laisse vider son sac.
Ça a commencé il y a trois voir quatre mois, mais elle en avait déjà avant. Elle en a parlé à son médecin généraliste qui lui a proposer des antifongiques locaux (les mêmes, trois fois d’affilé), puis du Fluconazole (qui lui se prend par voie orale). Et ça a été mieux.
Mais une copine lui a dit que c’était pas génial les antifongiques à prendre tous le mois avant les règles, donc elle a arrêté, et… Ben elle a une mycose depuis 4 mois.
Au début elle en a parlé avec son médecin, en lui précisant que les antifongiques ne lui plaisaient pas, et qu’elle voulait un truc moins médicamenteux.
Son médecin lui a prescrit de l’homéopathie.
Commenter cette décision reviendrait à tirer sur une ambulance en feu, je vous ferai grâce.
Comme au bout des deux semaines requises − deux semaines de douleurs, brulures, rapports sexuels impossibles − ça ne s’améliorait pas, elle a commencé à se renseigner sur internet, et un océan s’est ouvert à elle. Des spécialistes de la mycoses, des gens qui parlaient savamment de corps, et de flore, et de déséquilibre.
Des post sur Instagram et des vidéos, sur Tiktok et sur YouTube, lui on expliqué que c’était sans doute un déséquilibre plus profond, son médecin l’a envoyé voir une docteure en biologie molléculaire (une naturopathe pour ceux qui ne savent pas) qui a commencé à lui prescrire des « traitements », enfin « des mesures d’hygiène » parce que sinon on tombe dans l’exercice illégale de la médecine, avec des cataplasmes et un régime qui n’a pas vraiment de sens. Du coup elle mettait des mélanges d’huile de coco et d’huiles essentielles sur sa vulve deux fois par jour, et elle essayait de se tenir des règles alimentaires d’évictions très strictes.
« Même si je craque parfois pour une bière, mais c’est dur de tenir, et c’est fermenté et les champignons…»
L’efficacité n’était pas vraiment folle.
Donc on a reprit les bases.
Déjà, et je le dis à mes étudiantes, jeter un œil est une bonne idée. C’est fou le nombre de pathologie dermatologiques qui peuvent ressembler à « une vulve rouge qui gratte » sans être une mycose. On s’est posé, on a pris un miroir, on a confirmé que ses « traitements » permettaient de juste contrôler les choses.
On a parlé des facteurs de risque, on a discuté de ce que c’était, ces champignons, et on a discuté du traitement possible et notamment des rotations de principes actifs, des délais d’utilisation de la crème…
Et après avoir construit tout ce qu’on pouvait comme liens logiques, elle accepté de reprendre un antifongique, pour essayer.
Elle est revenue deux semaines plus tard, pour vérifier que ça avait bien marché, et elle se sentait mieux.
C’est juste que, quand on est perdu dans une forêt dense, et que les chemins sont trompeurs, on a besoin de sa sage-femme pour trouver le chemin.
Photo de Ivana Cajina sur Unsplash