J’ai glissé un pied dans l’eau, puis l’autre. Je m’attendais à quelque chose de plus froid. Quelqu’un passe, s’arrête une seconde au bout de la ligne, et repart d’une brasse mal assurée.
Ça fait plus de 15 ans que je n’ai pas été nager. Mon maillot de bain est neuf, les lunettes aussi. J’anticipe le regard des autres sur ma peau, sur mon poids, et je glisse dans le bassin.
Je peine déjà à reprendre mon souffle sans avoir commencé. Je lave mes lunettes, j’ajuste le bonnet.
L’envie m’a pris en juin, après une visite à domicile. Il faisait déjà assez chaud, je ne faisais plus de sport et ça me manquait. Je suis passé devant le plongeoir d’une piscine du quartier. Il n’y avait personne, l’eau était incroyablement calme à travers la baie vitrée.
J’étais monté au plongeoir de cinq mètres, pour la première fois, à une piscine où j’allais avec ma grand-mère l’été. Elle se mettait sur la pelouse avec un livre, et ma sœur et moi nous nous mêlions aux autres ados qui essayaient d’occuper leurs vacances. Mes orteils était accrochés au bord de la plateforme en béton, comme pour m’éviter la chute. La hauteur avait l’air vraiment plus haut depuis le sommet.
J’ai presque honte de mes motivations de l’époque. Si mon moi du passé lit ces lignes, la bonne réponse était d’aller parler aux filles, pas de faire des blagues en faisant des bombes pour essayer de les impressionner.
Mais on est bête quand on a 14 ans.
J’ai fait beaucoup de natation quand j’étais au collège, assez pour avoir un bagage technique et une aisance, jusqu’à ce que mon image corporelle ne me fasse arrêter. Les mouvements me reviennent étrangement vite. Ma tête se vide, concentrée sur l’effort, faisant brièvement taire mon monologue interne. Il n’y a que moi, l’eau, l’oxygène à aller chercher à la surface, cette impression d’apesanteur merveilleuse ; la seule chose à faire, c’est d’atteindre le bout de la ligne.
Photo de Taylor Simpson sur Unsplash