31% des femmes de 18 à 24 ans n’ont jamais vu de gynécologues, et ça tombait bien, elle n’en avait pas besoin. C’est peut-être un écho de l’article de Madame Figaro, début février, qui parlait de la place que commencent à prendre les sages-femmes, doucement, dans le rôle qui était dévolu avant à une ancienne génération de gynécologues médicaux.
Ça ne fait que depuis 2009 que les sages-femmes sont à nouveau autorisées à faire de la gynécologie et à sortir de la case « grossesse » dans laquelle les médecins les ont poussé à la fin du 19ème siècle. Je ne vais pas me lancer dans des propos hasardeux.
Reste que pour ma génération de diplôme et les sages-femmes plus jeunes que moi, ces compétences apparaissent comme très logiques.
Elle l’est moins pour la population qui a découvert peu à peu, au fil de la décennie passée, que leurs sage-femmes pouvait aussi faire des frottis, poser des DIU et répondre à leurs questions intimes.
L’article qui sert de base à mon billet m’a interrogé pour deux raisons.
Déjà il y a l’article en lui-même, qui part d’un postulat daté : il est nécessaire pour les femmes de consulter quelqu’un qui regardera, touchera et donnera son avis sur son sexe et ses seins une fois par an. Souvent très vite.
Je fais un tableau presque caricatural, mais c’était le récit majoritaire des femmes de ma génération qui, il y a 10 ans, allait voir un gynéco en centre de santé, 10 minutes, une fois par an.
Elle entrait en culotte dans le box, subissait un examen oscillant entre le désagréable et le douloureux et arrachaient l’ordonnance de pilule qu’elles étaient venues chercher.
Je retrouve des survivances de ce temps là dans mes anamnèses. Je demande le poids et la taille, et beaucoup de femmes serrent les dents en annonçant avoir pris 3 kilos cette année, puis avance des justifications.
Je ne dis pas que je me fiche de l’information (c’est moi qui pose la question), mais les histoires hallucinantes sur la gestion du poids « idéal » pour entrer dans le sacro-saint IMC de la parisienne me laisse peu de doute sur certains vécus traumatiques.
Une gynécologue, sans doute très empathique et sympa, avance au fil de l’article « les jeunes femmes ont des craintes pour aller voir des spécialistes » et il faudrait « dédramatiser ces rendez-vous ». L’article offre un contre-point assez mal monté, l’orientation reste claire.
J’entendrai les not all gynécologues, d’ailleurs j’en connais de très chouettes vers qui j’oriente en cas de pathologies ou quand simplement je ne sais pas.
Le deuxième point qui m’a choqué a été la réponse, sur Twitter, qui s’est abattue sur mes collègues qui ont osé soulever la controverse et faire des rappels simples sur le suivi gynécologique recommandé en France. Des hommes, quelques femmes, souvent n’ayant aucune connaissance des thèmes sous-tendant le sujet abordé, ont répondu sèchement que « ben si, hein ».
C’est ancré. Culturellement. Il y a même eu un extrait malaisant avec Blanche Gardin en gynécologue qui examine une adolescente dans un film qui date de l’année dernière.
C’est tellement dans l’imaginaire collectif que c’est même de l’automatisme, et que des patientes en excellente santé et n’ayant pas de demande particulière échouent parfois de l’autre côté de mon bureau « parce qu’il faut se faire suivre ». Cela prends en général 20 minutes de discussion pour qu’on décide d’un commun accord qu’on ne fera strictement rien de plus que discuter, et que je les attends dans quelques temps pour leur frottis. Si elles souhaitent me revoir.
Je ne dis pas qu’aucun gynécologue sursoirait à un examen inutile, fort heureusement.
Mais est-ce que traverser la ville pour trouver un rendez-vous, dans 6 mois, et débourser 120€, à Paris, pour ne pas être examinée et avoir un rappel sur la physiologie menstruelle est pertinent ?
On parle d’un professionnel qui a une décennie d’études dans les pattes et beaucoup d’expérience dans des sujets complexes allant de syndromes métaboliques étranges à la cancérologie, en passant par l’endométriose, la dermatologie vulvaire, la coordination de soins avec des patientes greffées ou diabétiques qui ont des projets de grossesse…
Le gynécologue est le spécialiste de la femme.
Est-ce qu’une ressource médicale rare et précieuse doit dédier son temps de travail à faire celui d’une sage-femme ou d’un médecin généraliste ?
Photo by Bernard Hermant on Unsplash
Il y a bien longtemps maintenant qu’un généraliste consulté n’a pas fait de véritable examen. Vite fait la tension, inutile de se déshabiller et si on a mal au ventre , on peut éventuellement palper rapidement le ventre à travers pull et pantalon. Et si on n’a pas dit, ou si on ne sait pas qu’on a mal ailleurs, ce n’est pas le médecin qui va le découvrir durant la consultation. Alors, les problèmes gynécologiques, pensez donc !
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C’est très lapidaire comme avis, non ?
Est-ce une expérience personnelle ou une généralité ?
Je connais beaucoup de médecins généralistes qui sont formés à la gynécologie, mais certains m’envoient leurs patientes parce qu’ils ne sont pas à l’aise/ne se sente pas compétents.
Cela dit, je pense que le « on ne sait pas si on a mal ailleurs » est une sorte de mythe. On propose des dépistages pour les maladies qui de toutes façon ne « parleront pas » comme les chlamydia asymptomatiques, les lésions du col, etc mais la littérature scientifique ne plaide pas vraiment en faveur d’un examen clinique systématique.
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