Elle est arrivée un samedi matin de ses montagnes avec son sac à dos immense, ses souvenirs de voyage et ses histoires géniales.
Je l’ai rencontré quand j’étais encore étudiant sage-femme, en cours de stage, et ça a été l’un de mes coups de foudre amicaux.
Presque tout de suite il y avait une entente forte, des valeurs communes, un truc qui nous a rapproché. J’ai toujours été du genre à avoir des amis longue-distance, des gens que je vois deux fois par an, mais avec l’impression d’une discussion interrompue la veille.
Elle m’a aidé à grandir sur ma jeune carrière parce qu’elle était jeune diplômée quand moi j’étais encore étudiant, et que je pouvais lui poser mes questions. On a refait plusieurs fois le monde de l’obstétrique autour d’une pinte, et, jamais satisfaite de ce qu’elle trouvait en France, elle a beaucoup bougé pour trouver un exercice qui lui convenait : de l’accouchement physiologique ou de la maison de naissance ; un côté proche du corps et à l’écoute. Elle a même rencontré Ina May Gaskin.
J’ai déjà parlé de mes modèles et je pense qu’elle en a fait parti.
On a été manger dans un japonais rue Saint-Anne, on a discuté de nos vies, de sa nièce qui allait naître bientôt et de mes galères de boulot. Je me demandais si j’allais me mettre en libéral. Elle m’a parlé de sa petite maternité dans les montagnes, des médecins qui laissaient les sages-femmes travailler et des tisanes en salle d’accouchement qu’elles utilisaient avant l’ocytocine artificiel. J’avais des doutes, mais j’avais un peu envie de croire un peu aux plantes, à la micronutrition et aux potions québécoises.
On a pris un bus pour rentrer. « Et sinon je pense que je vais me former à l’homéopathie ! Ça a l’air fou ce qu’on peut faire avec.
− Tu sais, les histoires de mémoire de l’eau, c’est pas vraiment démontré hein…
− Ça marche super bien pour le peu que j’ai vu. Tu veux pas t’inscrire avec moi ? Si veux t’installer ça peut t’être utile. »
À l’époque, on ne parlait pas aussi catégoriquement de pseudo-médecines, et le flou était savamment entretenu dans les formations. J’avais un truc contre, notamment parce que ça remettait en cause toutes mes bases scientifiques.
Déjà à l’époque j’ai senti nos chemins ses séparer doucement.
500 km, c’est sans doute une trop longue distance.
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