Il y a en ce moment, dans le coin du cabinet, des maisons en carton, avec des escaliers en papier, comme dans la chanson. Les toits en tôle et en cagette, les rideaux de douche qui servent de porte, reflète la lueur des braseros autour desquels des habitants se regroupent pour trouver un peu de chaleur. Il y a des hommes, des femmes, leurs nouveau-nés.
Ils sont d’ailleurs nés dans la maternité qui se trouve de l’autre côté du mur de béton et du périphérique, ou dans une autre de Paris, ou plus loin en banlieue. Quelle importance maintenant ? Il est acté que des patientes peuvent sortir dans la rue.
« J’ai été leur donner un paquet de couche, et des voisins leur ont apporté de la nourriture, mais qu’est-ce qu’on peut faire d’autres ? » me demande une patiente. « Ce n’est pas à nous de porter ça, si ? »
Dans mes expéditions à domicile, dans le nord de la capitale, j’ai parfois retrouvé cet urbanisme improvisé, des logements dans les interstices délaissés : une fracture sur un terrain vague, un tronçon ferroviaire désaffecté, un immeuble semi-condamné. Des gens sans cesse repoussés vers les marges comme on balaye un pot brisé sous un meuble.
« Elle sort en 115 » me disait la sage-femme avec un soupir lourd de sous-entendus, à moi, le jeune gars de 19 ans, je ne comprenais pas.
J’ai arpenté depuis ces hôtels sociaux, j’ai écouté les plaintes des couples : les nuisibles, les hôteliers, les changements impromptus, l’absurdité de devoir dormir 1 fois par an dans la rue pour pouvoir prétendre à être relogés ensuite. On comprend souvent que ces femmes ont des parcours complexes, mais dites ça à un mec privilégié qui sort de la fac et de son petit confort bourgeois. Expliquez-lui la joie d’avoir une douche chaude, même commune, quand on a passé deux mois sous le parvis d’une gare ou dans un tunnel sous les voies.
J’ai appris durement qu’on ne pouvait souvent faire que notre travail.
Le reste est une question de volontés politiques.
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