Il y a moi, jeune étudiant sage-femme en train de bailler après le déjeuner dans le box obscur et surchauffé d’échographie. Le médecin que j’accompagne me dit que je devrais m’inscrire au DIU. « T’as l’œil et des facilités », mais ces trois semaines passées les doigts dans le gel et le poignet contorsionné m’ont convaincu de laisser cette pratique à d’autres.
Et il y a moi à côté de la table d’examen, la main à moitié crispée de ma compagne dans la mienne, moite. On regarde apparaître les premières nuances de gris sur l’écran de la machine. J’ai beau en interpréter toutes les semaines au cabinet, on oublie qu’avant les clichés on voit autant les mouvements. Iel a des mains, et des petits pieds qu’iel a collé devant sa tête. « Il a un cœur » dit l’échographiste que nous avons choisi.
Elle sait notre stress. La magie est courte, car, très vite, nous scrutons ces ventricules qui battent à toute vitesse, et je commence à cocher des cases mentales. Sa nuque est fine ? Est-ce qu’iel a des os sur le nez ? Iel a même des cristallins et une tête, et les mains réunis devant son visage comme s’iel mangeait un épis de maïs.
« Je peux essayer de faire une 3D ? » demande l’étudiante qui l’accompagne. « Mais bien sûr ».
Je n’arrive pas à savoir si je suis rassuré, ou émerveillé. Un peu des deux.
J’ai une sorte de pensée « C’est nous qui avons fait ça ? »
Tout d’un coup un genre de fierté masculine, et un élan d’amour.
La 3D est moche, et on s’amuse à jouer avec les filtres de la machine en rigolant comme des gamins.
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