« Je ne sais pas encore si je vais faire sage-femme ou médecine.
− Je ne sais pas si je vous conseillerais d’aller en sage-femme. » C’est sorti tout seul. La grève récente, les difficultés sur le terrain me rendent moins optimiste.
J’ai eu tort de dire ça.
Donc pour cette jeune patiente, si elle passe par là, j’ai envie de parler des petites choses qui rendent ce métier unique.
Il y a ce moment de fin de garde, à finir un dossier un buvant un café pendant que la salle de naissance s’anime doucement. Entendre le cri d’un nouveau-né, tout nouveau, tout neuf. Voir la collègue sortir de la salle, encore en tablier, et espionner discrètement cette nouvelle famille par la porte entrebâillée.
Ma chérie aime sentir le placenta sortir facilement, intact, glissant sous sa traction douce. Elle aime laisser les périnées se tendre doucement, regarder le seuil.
J’aime quand la mise au sein, après quelques minutes d’effort, se fait d’un coup, simplement. Voir cette bestiole rose s’accrocher avidement, le sourire soulagé des parents et le silence qui envahit la pièce.
Parfois, dans la rue, je croise une patiente. Elle me salue et me donne des nouvelles des enfants, ou me fait un coucou de loin, ou me regarde avec un sourire en coin et un signe de tête discret.
Quand un petit bébé râle trop, j’adore l’emprunter à sa mère pour le calmer. Je les accroupie face à moi, et leurs petits yeux myopes font la mise au point. Ils se taisent, observent, comme si je les avaient dérangé au milieu d’une tirade importante. J’aime danser avec les plus grand dans les bras et les sentir se détendre contre moi.
Sentir sous ses doigts un col de l’utérus bien ouvert après des heures de patience en pré-travail me faisait magiquement apparaître un sourire sur le visage. Ça et la sensation de la poche des eaux bombantes sur le point d’exploser.
J’adore toucher le ventre de mes patientes enceinte, après un certain terme, sentir les fœtus réagir sous mes mains chaudes, les entendre mettre des coups sous la sonde du doppler ou du monitoring.
Je crois que ce qui me fait me lever le matin, c’est de savoir qu’il y a une patiente, dans mon agenda, qui aura besoin de moi, que je ferai la différence.
(Et vous, c’est quoi les petites choses que vous aimez ?)
Photo by Carli Jeen on Unsplash
Je ne suis pas sage-femme, je suis très loin d’avoir fait médecine, mais je peux lister sans problème les innombrables souvenirs tissés avec des sage-femmes… le drap proposé pour couvrir mon intimité pendant une écho endo-vaginale (ça fait toute la différence), les sourires sous le masque pendant de longues semaines en grossesse patho (« bon, je ne suis pas là ce week-end, vous tenez jusqu’à lundi hein ?! », et non je n’ai pas tenu, mais si j’ai tenu aussi longtemps, c’est grâce à vous…), l’étudiante sage-femme si souriante, précise, pédagogue, drôle, empathique (Lucie, tu as été mon petit soleil !), la sage-femme qui vient me voir après sa garde de nuit, rien que pour me tenir la main et sécher mes larmes après la césarienne sous AG, toutes les sage-femmes passées me voir en maternité, qui avaient lu mon dossier et savaient pourquoi mon petit bébé n’était pas là, mention spéciale à celle qui revenait après avoir fait le tour de toutes les chambres juste pour papoter (« vous n’avez pas de bébé, donc je viens vous embêter ! » : Aurore, un immense merci, votre prénom vous va si bien), la permission demandée avant chaque torture-palpation du ventre post-césarienne (sérieusement, ce geste est atroce, même si j’ai bien compris qu’il est nécessaire)…
Je n’aurais jamais pu survivre à la première année de médecine, ni aux années de maïeutique. Pas les compétences, pas la couenne assez épaisse. Et pourtant… vous faites le plus beau métier du monde, et de ce que j’en ai vu en tant que patiente/parturiente, vous le faites toutes et tous tellement bien, dans le respect des femmes et des bébés. Alors à travers ce blog : MERCI.
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