« J’ai un peu peur de la pose de stérilet, j’ai plein de copines qui m’ont dit que ça faisait affreusement mal. » Je fais une pause, pour laisser cette idée prendre sa place sur le bureau. Dans ma tête je fais un plan de réponse.
1. Le ressenti de la douleur est subjectif, mais ça tombe bien je sais accompagner les gens sur ce sujet.
2. Ça dépend des conditions de pose.
3. Il peut en effet y avoir des contractions réactionnelles.
4. Ne pas utiliser certains instruments permettent de…
« Je comprends grave, intervient mon étudiante sage-femme, mais moi ça s’est bien passé ! J’ai pris deux Spasfon après et ça allait. » Elle est sur le côté, un peu en retrait, elle ne peut pas voir ma grimace.
La discussion continue, la patiente choisi, malgré son appréhension, qu’on posera un DIU ensemble mercredi prochain. Je ferme la porte derrière elle.
« Tu n’as pas le droit de faire ça, dis-je.
− C’est à dire ?
− Ton expérience, c’est ton expérience. Ta réaction à un geste ne présume pas de la réaction de la patiente. Dans notre travail, tu peux répondre avec une statistique type « 10 % environ » ou « cela peut varier selon l’orientation de l’utérus », mais pas avec ton histoire personnelle. »
Et je pense que c’est une leçon importante.
Je me revois dans mon premier stage de planning familial à parler de contraception et de sexualité avec des jeunes femmes qui à 16 ans avait beaucoup plus d’expérience que moi. Je l’avais mal vécu au début, mais la sage-femme qui me formait m’avait rassuré : « On s’en fout. J’ai jamais eu d’accident de capote, mais c’est pas important. L’important c’est qu’on leur donne accès à des connaissances et à des moyens. »
Quatre ans plus tard je suis dans une immense soirée entre copains. L’alcool aide un peu, le coin des sages-femmes aussi, et la discussion se tourne vers la PMA. Un couple d’amis se confie sur leurs tentatives, leurs échecs, les frustrations, les piqures. « Et vous deux, ça va ? Vous tenez le coup ? »
Parce que s’il y a une chose que j’ai retenu de mes cours, c’est la violence de ce processus. J’entendais les profs parler d’examens invasifs, les psychologues se vanter de réussir à débloquer des choses ; il en ressortait un monde froid, dur, et intrusif.
La question me semble toujours importante à poser.
Puis, un jour de juillet 2020, je me suis retrouvé dans le bureau d’une gynécologue hospitalière pour qu’on nous explique le protocole que nous allions devoir suivre avec ma compagne. « Je fais ça pour tout le monde, nous a-t-elle assuré, on va reprendre depuis le début. »
Elle a sorti devant nous une série de planche en carton avec des ovaires, un utérus, des trompes. Puis elle a entrepris de nous expliquer, à deux sages-femmes, comment on faisait les bébés.
C’était le protocole. Je le conçois.
Je me suis senti vraiment infantilisé.
Mais je n’ai pas passé d’hystérosalpingographie, moi, mais un bref instant j’ai traversé les joies, les espoirs, les angoisses.
J’ai vu sous une lumière très crue ce que pouvais être l’expérience de la PMA en France, et je n’ai pourtant fait que soulever le rideau et regarder derrière.
Je pense que mon expérience personnelle impacte ma pratique. Ça fait parti de qui je suis.
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