Le tableau à moitié rempli équivaut à huit patientes en salle et trois patientes en surveillance. On peut dire qu’on est dans l’activité moyenne de cette salle de naissance. C’était ma quatrième garde, je commençais à prendre mes marques dans cet environnement assez nouveau : c’était une gros hôpital de niveau 3, avec une grosse activité. J’étais l’une des quatre sages-femmes de garde.
Et puis, descendant du staff, l’une de mes collègues m’a dit « Jimmy, tu prends la césarienne programmée ? C’est des jumeaux donc… Caroline*, tu vas avec lui ? » J’ai répondu oui. Quand on débute, la bonne réponse est souvent « oui ».
Je regarde mes rythmes, je vérifie que mes patientes n’ont besoin de rien, et je retrouve ma collègue au bloc.
Je lui raconte le dossier et nous entrons nous présenter à la patiente.
« Bonjour Madame, on est Caroline et Jimmy, les sages-femmes. On vient vous aider ! ».
Elle est tout sourire, presque pas nerveuse. « C’est rassurant que ça soit programmé. Son chéri est un peu anxieux et fait les 100 pas dans l’antichambre. Les chirurgiens vérifie l’anesthésie, posent leurs champs, « incision ».
J’ai un rapport de fascination/répulsion avec la chirurgie.
Je crois que pendant mes études j’ai toujours aimé les parties de stage au bloc opératoire, parce que c’était impressionnant. J’ai même instrumenté, et, une fois ou deux j’ai même servi d’aide-opératoire temporaire en attendant l’infirmière de bloc.
J’ai toujours trouvé les césariennes rudes.
Puis l’utérus paraît, je récupère le premier jumeau, et Caro le deuxième, et nous allons les présenter à leur mère. Ils sont tous roses et plutôt en forme. « On va aller faire des soins et… » mais Caroline me coupe. « Vous voulez les mettre en peau à peau ? »
Je suis resté un peu con, dans ma casaque. « On peut faire ça ?
− Ben, évidemment », m’a dit Caroline pendant qu’on laissait le couple admirer leurs deux merveilles.
Je ne trouvais pas ça bête ou irresponsable.
C’était super cool.
Je n’y avais juste jamais vraiment pensé.
Je crois que c’est ainsi que les idées progressent.
Cette histoire a presque 8 ans.
Dans la majorité des maternités francilienne, ça fait 4 ans que la pratique est standard. Quelques années de bouche à oreille, de discussion en marge d’une formation et de réunions d’équipe et les idées, comme des virus, se transmettent.
*Ce prénom a bien sûr été modifié. Cela est surtout lié à ma mémoire défaillante.
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