Pendant trois jours. Rassurez-vous. Les programmes habituels reprennent lundi.
« Pourquoi vous-êtes en grève ? me demandait ma patiente ce matin, avec sa nouvelle-né au sein.
− Est-ce que « on en a gros » marche comme explication ?
− Pas trop.
− Et « Parce qu’on nous prend pour des quiches ? »
− Un peu mieux, mais le gouvernement prend tout le monde pour des quiches. Les profs la semaine prochaine notamment. Ils parlent que de ça.
− Pourquoi cette fois ?
− Pour le dégel du point d’indice sans doute, et l’amélioration des conditions de travail.
− Ben… »
Parce que ce vendredi matin je travaillais quand même un peu. Faire grève quand on est libéral, ça peut prendre différentes formes, et j’ai choisi de privilégier les urgences et de reporter les autres patientes. Puis j’ai disparu plus ou moins de la surface de la terre. J’ai passé la matinée à essayer d’expliquer à mes patientes pourquoi il n’y avait pas de sage-femme en ville ce week-end, et que les sages-femmes hospitalières mettaient en place des actions diverses allant de la grève du zèle − nous arrêtons de faire des trucs pour arranger les médecins − à des journées sans sages-femmes.
Le tout se fait notamment grâce à la complicité de nos collègues obstétriciens qui voient nos conditions de travail se dégrader au quotidien et qui se sentent également concernés.
Mais donc pourquoi on fait grève ?
Ça va être mon explication, mais c’est très lié avec l’article précédent : pourquoi j’ai quitté l’hôpital (allez le lire si vous avez 2 minutes).
Dans les épisodes précédents, on manquait de sages-femmes à l’hôpital.
Les jeunes diplômées ne s’y retrouvaient pas, les études de sages-femmes ne faisaient pas autant rêver que celle de médecine ou de dentiste, alors que tous mes potes étaient jaloux de mes stages dès la L2.
Alors c’est quoi le problème ?
On est mal payées par rapport à notre fonction médicale, fonction mise à mal par un statut super bizarre dans la fonction publique hospitalière. On ajoute à ça des décrets de périnatalité obsolètes qui maintiennent des sages-femmes en sous-effectifs, et vous obtenez un bon début d’explications à notre colère.
Du coup il y a eu des grèves, des prémices, après le Ségur de la Santé qui octroyait à mes consœurs hospitalières la même augmentation que les secrétaires médicales…
Donc dans ce climat le ministre a demandé un rapport à Inspection Générale des Affaires Sociales qui a été diffusé au public début septembre, et dont les conclusions avaient l’air relativement consensuelles, mais comme je ne l’ai pas lu je ne m’avancerai pas.
Il semble tout de même que quelques éléments sur la « tenue morale et scientifique » de la discipline, dévolue au médecins, aient fait grincer des dents.
Et donc le 16 septembre 2021, Olivier Véran rencontrait la présidente de l’Ordre Anne-Marie Curat, et n’a annoncé qu’une prime. Voilà.
Sauf qu’une prime − il me semble, je ne suis pas ministre − ce n’est pas la solution au problème de fond.
Le problème de fond, c’est que les conditions de prise en charge des patientes se détériorent. Je sais que « maltraiter les sages-femmes nuit franchement à la santé des femmes » fait slogan de manifestation, mais ça n’en reste pas moins la froide réalité.
En attendant le cabinet est fermé.
Et si vous pouvez en parler autour de vous…
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