En ouvrant la porte, la lumière grise du couloir filtre dans la chambre à coucher. Je regarde la pluie tomber par la fenêtre du salon. Un éclair, un vent fort, le bruit des gouttes qui s’écrasent avec violence sur le double vitrage ; il fait moins lourd qu’hier.
Je n’arrive pas à souffler. J’ai l’impression qu’un truc m’écrase de l’intérieur. Il y a un mur pas loin, un rideau de brume dont je ne vois pas l’envers. Je sais que ça approche, et en attendant je vis au jour le jour.
Je vais être père.
Pour l’instant je n’en ai pas parlé ici parce que je ne trouvais pas le temps. J’avais envie de vivre les choses sans les analyser. J’ai aussi perdu l’habitude. C’est bien la peine de dire qu’on écrit encore un blog en 2021, si c’est pour s’arrêter en janvier.
J’ai beaucoup de choses à dire sur ces évènements.
De sa génèse, du passage par l’aide médicale, de l’anxiété, des joies et des craintes, des réflexions diverses et de la façon dont ça a changé mon travail.
En à peine 7 à 8 mois ça a modifié ma façon d’exercer. Le plus important c’est, à mon avis, d’en avoir conscience.
Ce qui me tue, c’est l’attente.
On t’attend. J’ai vu le ventre de ma chérie s’arrondir, je te sens sous ma main quand tes fesses l’empêche de respirer. Tu vas être magnifique et marrante.
Viens, on dit que tu sors pour partager notre vie ?
Je donne des rendez-vous parce qu’il faut continuer à travailler, mais je ne sais pas si je les assurerai.
Mon agenda se rempli à grande vitesse. Mes patientes guettent le message d’annulation. Elles arrivent en consultation avec un air un peu déçu, « ben alors cette demoiselle prend son temps ! »
Je sais qu’à tout moment mon téléphone perso peut sonner. J’ai fini par enlever ma montre connectée parce qu’elle me faisait sursauter en consultation. À la moindre notification, mon cerveau s’emporte. Ça peut attendre 5 minutes, mais le calme ne revient qu’en regardant l’écran.
Mon père vient de partager un article sur le groupe familial.
Ma sœur râle sur sa journée et sur la météo.
Ma mère enchaine.
Mon téléphone sonne 24 fois en l’espace d’une heure et, à chaque itération, je sens la vague d’adrénaline comme un yoyo.
« Comment on sait à quel moment ça arrive ? » est une question que les conjoints me pose à chaque préparation. Il y a encore peu de temps je répondais en riant à moitié que ça reste une des rares choses qu’on ne prévoit pas vraiment.
Maintenant je ris moins.
Photo by Chris Benson on Unsplash
Ça rappelle de beaux souvenirs, encore que nous autres maman, évidemment, on a des petits indices grâce à nos sensations… indices qui valent ce qu’ils valent, certes.
en tout cas, à lire vos articles et ce qui transparaît de vous à travers eux, je suis sûre que la demoiselle aura un chouette papa. Empathique, féministe, et dont le métier, qui l’amène à évoluer au milieu de femmes diverses et variées, sera probablement un bel atout.
(enfin, à l’heure où j’écris, elle doit déjà être là).
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Merci pour ce joli mot 😊
En effet notre demoiselle est arrivée le 12 juin, et, même si le rythme qu’elle nous impose est rude, elle nous comble de bonheur !
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