J’ai un jour fini par acheter un miroir.
C’était pour une patiente précise, après 1 an d’ouverture du cabinet.
En fait mon cabinet s’est à la base construit à force d’ajouts progressifs. La base était là, hein, l’essentiel d’après mon expérience des urgences gynécos, mais la vie réelle n’est pas un box hospitalier.
Bref. J’avais déjà vu cette patiente en visite à domicile et on s’était dit tous les deux que retirer ses fils étaient vraiment compliqués. Et que d’ailleurs regarder son épisiotomie était déjà un petit défi en soi.
On a beau avoir une formation, le premier contact avec le spectre du vaginisme est déroutant. Ce n’était pas exactement comme dans les livres, ni comme dans les cours. Un peu, mais pas vraiment.
Avec la confiance, on a fait un peu de gynécologie ensemble, puis un peu de rééducation.
Elle m’a parlé de sa première consultation, à 15 ans. Une histoire que j’ai entendu tellement de fois, d’adolescente nue devant un·e praticien·ne violent·e choisie par leur mère. Tellement courante que je ne vais pas la raconter ici ; j’ai envie de raconter une histoire qui finit bien.
Elle m’a parlé de sa mère qui lui a répété toute son enfance « ne touche pas à ça, c’est sale ».
Et puis on a parlé de l’idée de regarder ensemble.
« C’est tellement moche que je refuse que mon mec me regarde. »
Mais moi, je suis votre sage-femme.
Donc je suis allé lui acheter un miroir, que je propose volontiers aux autres patientes.
Pas une grosse dépense, une de ces glaces en plastique un peu moche. Elle est facile à nettoyer et elle ne se casse pas si elle tombe par mégarde. Il faudra peut-être que j’en achète une plus belle un jour. Une rétro-éclairée si ça existe.
On a déplissé ensemble les entrelacs de poils et de peau, cliniquement, en plaçant des mots.
Elle a regardé, dégoutée. Puis intriguée. Puis détendue.
Il y a quelques années de ça, en clinique, une élève infirmière n’arrivait pas à me poser une sonde urinaire. Mauvais « trou » à chaque fois !!!
J’ai été très, très patiente. on n’est pas dans l’enseignement pour rien, …
Mais, à la fin, je lui ai conseillé de s’acheter un miroir.
Pour regarder, et savoir vraiment comment elle est faite !!!
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