Le milieu de la nuit, et les salles sont calmes.
Je ne dirais pas que tout le monde est prêt à dormir, mais avec la sage-femme qui baille à son bureau − ses collègues ont comme disparu − on suit une femme qui vient pour son premier enfant À l’époque j’appelais ça « une primi du bout de la nuit ». On peut essayer de pronostiquer, mais avec son mec et la péridurale ils dormaient quand j’ai passé un œil pour regarder le rythme.
C’était avant les centrales informatiques. On laissait la porte entrouverte, le monitoring pile dans l’angle de la lumière du couloir, et on pouvait surveiller de temps en temps.
Il y a des maternités où j’ai passé mes stages à faire des allers-retours le long de couloirs interminables pour faire ça, tous les quarts d’heure, comme un métronome.
Mes yeux collent. « Je peux descendre me prendre un coca ? Tu veux quelque chose ? » Ma sage-femme fait non de la tête, penchée sur son Iphone (une nouveauté à l’époque). Je prends une surblouse pour me couvrir un peu et je m’aventure dans l’hôpital. Le distributeur est relativement loin. Je sors des urgences maternité, je fais un petit signe de main aux aides-soignantes de l’accueil, puis je descends les escaliers pour aller dans le hall.
Je suis dans un hôpital pédiatrique, et ça se voit. En sortant du service je suis salué par l’obscurité et le silence qui plane sur des aires de jeux. Dans une fausse cabane dans un arbre, trois enfants dorment, entourés par leurs parents. Faire dormir les gens dans les hall d’hôpitaux ça existait déjà à l’époque. Je me faufile sur la passerelle, pour ne pas réveiller quelqu’un qui dort sur le banc à côté, et j’atteins le distributeur, enfin, près du coin fumeur vide.
Je frissonne un peu dans le courant d’air, et j’obtiens l’objet de ma quête : une cannette bien glacé de soda caféïné. Est-ce que j’ai deux minutes ? Le froid mord mes paumes, et j’hésite à la boire avant de remonter… Je serais mieux à mon bureau.
La voiture électronique sur laquelle les enfants se balancent le jour, près du relais H, se met, d’un coup, à 2h30 du matin, à entonner le générique de K2000 (juste quelques mesures en boucle). La femme sur le banc ouvre un œil. Je la regarde, elle me regarde, et se rendort.
Ça me confirme que je vais retourner à ma salle de naissance.
J’ai passé l’âge d’avoir peur des fantômes, mais j’ai beaucoup d’imagination.
Je rebrousse donc chemin, toujours à pas feutrés. Je fais un signe de main au gars de la sécurité qui commence sa ronde à l’autre bout du hall, mais je ne sais pas s’il m’a vu. Je hausse les épaules, et j’appelle mon ascenseur.
En vrai je pourrais monter à pied, mais il est 2h30 et j’ai un peu la flemme.
Photo by Андрей Курган on Unsplash
Je ne laisse jamais de commentaires nulle part, je navigue incognito un peu partout… mais du coup, sachez que je vous lis avec plaisir depuis un bon bout de temps. Merci 🙂
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