Le bizutage du dernier arrivé fit que la garde du 24 décembre m’échut.
Alors que je n’étais pas exactement le dernier arrivé.
J’avais réussi à éviter le nuit-nuit qui aurait gâché les fêtes en bidouillant le planning avec une collègue.
J’étais la sage-femme de garde, mais il y avait aussi mon aide-soignante sympa, celle avec qui j’avais préparé ce réveillon pendant deux semaines, et la puéricultrice que nous avions recruté à la dernière minute.
J’ai une relation complexe avec Noël, cela reste une fête de famille, malgré tout. J’ai déjà lu des récits de soignants qui se réjouissaient presque à l’idée d’une garde le 24, mais pour moi c’était une éventualité angoissante. Mon taxi pour le lendemain matin était déjà réservé.
J’avais donc amené un excellent foie gras, les filles avaient prévu une bûche maison, un peu de truite fumée et du mousseux à la pêche. Cela permis d’encadrer la traditionnelle pintade aux marrons hospitalière avec ses pommes de terre vapeur, ses clémentines et son pavé au chocolat.
L’infirmier anesthésiste vint nous faire un coucou, mais le traître dînait avec l’équipe des urgences.
J’ai rarement vécu un moment aussi personnel au travail. Je crois que cela ne m’arrivera définitivement plus. Ces femmes n’ont été mon équipe que quelques mois, mais j’ai traversé des tempêtes avec elles.
C’était un moment de partage simple et tranquille.
La maternité devient un peu une sorte de famille élargie, le temps d’une soirée.
Puis, passé une heure du matin, la sonnette des urgences nous a sorti de notre digestion. Le mousseux, c’était pour tremper les lèvres avec le dessert. « Bon ben, on se garde un peu de bûche pour le café de tout à l’heure » a dit mon aide soignante en poussant son assiette. Puis elle a quitté la pièce. La puéricultrice s’est lancé dans le lavage de table, l’infirmier anesthésiste s’est esquivé vers les urgences générales. « Si elle a besoin d’une péri, il faudra la poser d’ici une heure, sinon Marc va faire la gueule ».
J’ai haussé les épaules et j’ai chassé quelques miettes qui traînaient sur ma blouse. « C’est pas à moi qu’il faut demander ça, tu sais. » Et je suis sorti aussi.
Elles s’étaient retenues pendant leurs réveillons en famille, et nous dûmes écourter le notre. C’est bien pour ça qu’il y avait une sage-femme de garde.
Cet article est paru pour la première fois en décembre 2017, mais en le recroisant, je me suis dis qu’il faisait une bonne conclusion pour cet avent 2019. Il est bien sûr un peu réécrit.
Merci de m’avoir suivi cette année, et à bientôt.
Photo by Mariana B. on Unsplash