Depuis l’encadrement de la porte, je la vois concentrée sur un dossier, inscrivant les dernières transmissions. Je toque à la porte ouverte du bureau, elle tourne vers moi un regard soulagé et satisfait. Probablement celui que j’aurai demain matin avec un café chaud.
C’est l’heure de la relève.
Toutes les sages-femmes qui ont travaillé un jour à l’hôpital, toutes les personnes qui ont fait des gardes, vous diront qu’il y a quelque chose de sacré dans ce face à face. Celui où tu prends le fardeau de ta collègue pour le mettre sur ton dos.
Dans mon école, les sages-femmes se mettaient dans leur bureau-couloir, portes fermées, attendant la dernière sage-femme du trinôme qui finissait de se changer. Il était entendu que l’étudiant sage-femme aurait dix à quinze minutes d’avance en tenue. Le contraire aurait été inconcevable, sauf en cas de cataclysme : volcan en éruption au milieu de Paris, guerre nucléaire, tempête du siècle, grande marée, grève RATP. Et encore « on s’organise en cas de grève, faut vraiment pas respecter les sages-femmes de garde pour arriver en retard ».
Puis elles déroulaient le tableau de garde à six, discutaient les dossiers, se les transmettaient de la main à la main. Puis les trois sages-femmes libres allaient se changer, et le temps reprenait son cours.
Chaque maternité où j’ai travaillé avait sa façon de faire.
Chaque sage-femme avait ses préférences.
C’est ce qui permet de traverser la pire des gardes : un jour elle s’arrêtera, une collègue prendra mon fardeau et partira avec.
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Une réflexion sur “16 La relève”