Comme je le disais hier, en rééducation on discute beaucoup. Et il me semble que les trois sujets les plus récurrents sont la nourriture, les enfants et la charge mentale. Je dois avoir cette discussion avec toutes mes patientes, presque sans exceptions, à un moment ou un autre de leur congé maternité.
En général ça commence avec moi, sage-femme à la délicatesse légendaire, qui leur dit qu’elle ont l’air fatiguée en ce moment. Cette absence d’empathie, envers ces pauvres portes ouvertes qui ne demandent rien à personne, et surtout pas d’être enfoncées avec vigueur, est sans doute une déformation professionnelle.
Et c’est surtout un excellent démarreur de conversation.
Du coup, les patientes s’épanchent sur leur absence de temps personnel. Je sors toujours un mouchoir ou deux d’avance. « C’est un de mes plus gros budget » je plaisante. En même temps, entre la gynécologie, et les gens qui pleurent en gynécologie, cela reste un indispensable de cabinet de sage-femme, cette boite de mouchoir. Désolé pour la planète.
« Mais en même temps, comment cela peut m’arriver à moi ? »
On parle de charge mentale, donc ; de Titiou Lecoq, des femmes qui après le premier enfant récupèrent mécaniquement plus de travail domestique. On parle des copines sages-femmes qui m’ont raconté leur vie (que je ne partagerai pas ici, hein, pas fou le gars), et qui, même elles, alors qu’elles savent, se font avoir et se débattent avec cette problématique.
Et donc je leur parle de ma mère.
« Ma mère a toujours travaillé, avec des postes importants et elle rentrait tard. Il fallait vérifier les devoirs, faire à manger, et passer du temps avec nous. Mon père l’a beaucoup aidé, je pense, mais elle faisait beaucoup. »
« Et bien, ma mère, le samedi matin, après les courses, pendant que l’on attendait la livraison, elle disparaissait de la surface de la terre. C’était plus simple à l’époque, sans téléphone portable. »
« Elle allait faire ses trois heures de coiffeur, pour lire des magazines nuls et penser juste à elle. Elle rattrapait sa semaine. Et ensuite elle rentrait pour déjeuner. Et pour nous, ça ne changeait rien. »
« Alors je pense que vous devriez faire comme ma mère. Personne ne saura vraiment si j’ai du retard ou pas, si je vous ai gardé plus longtemps ou pas. Et je nierai sous la torture. »
Cette histoire sur ma mère est à peu près fausse, bien entendu, mais du coup elle est quasiment vraie.
Ça me va.
Et puis c’est une histoire qui redonne le sourire à mes patientes.
Photo by Wil Stewart on Unsplash
Oh le plaisir de vous lire à nouveau, et de savourer le fait qu’il y aura d’autres petits textes encore ces prochains jours.
Un billet de blog doux la lourdeur de la charge et de ce qu’il esquisse. Et quelques images du film qui me reviennent, lui aussi doux amer, avec l’envie de le revoir.
J’aimeJ’aime
Il y a des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer, en effet. Et puis c’est une excuse que je trouve pour me remettre en selle.
J’aimeJ’aime