N’ayez pas peur, elle est vieille.
Elle, c’était Tango, son berger allemand.
Cette patiente a ouvert la porte pour la première fois en me disant ça, alors que je venais pour une préparation à la naissance. Je n’ai rien contre les chiens, ils m’aiment bien, alors je les aime bien aussi. Elle a levé le museau, m’a accordé un coup d’œil humide, et elle est restée sur son coussin.
La séance s’est bien déroulée, comme si elle n’était pas là.
J’ai fini, j’allais ranger mes affaires ; elle s’est ébrouée. Lentement elle a bougé, s’est dressée sur ses pattes avant, a péniblement soulevé son arrière train, puis a trottiné vers sa gamelle. Elle a lapé doucement, puis elle est venue vers moi et a posé sa tête sur mes genoux.
« Ah, c’est rare qu’elle fasse ça. Elle veut des caresses. » Je lui ai gratté la tête et elle est retournée s’écrouler sur son coussin.
Au fil des séances, elle a recommencé. Une fois elle s’est mise au pied du canapé, veillant sur sa maîtresse. « Elle a 15 ans bientôt, c’est un peu ma petite sœur » dit-elle en riant.
On parlait d’emmener quelque chose de rassurant à la maternité pour garder une ambiance intime.
« C’est dommage qu’elle ne puisse pas venir avec moi » dit-elle la grattant derrière l’oreille. « Mais bon. J’imagine qu’il y a des règles d’hygiènes ».
L’enfant parut, et il y eut le suivi d’allaitement avec Tango dans nos pattes. « Ce n’est pas dangereux, les chiens, avec les bébés ? » J’ai regardé un petit temps la vieille chienne arthritique qui restait jalousement devant le berceau. « Je ne pense pas qu’il y aura de problème. Pas elle. »
Vint la rééducation du périnée.
Quand on se connaît déjà un peu, le contact est facile. Les séances le furent moins. Il nous fallut du temps, pas mal de travail et de patience.
C’était sa dernière séance et je la sentais plus assurée. Les exercices se passaient mieux et les au-revoir se passèrent en douceur.
« Ça fait plaisir de voir qu’on a réussi à retrouver ce niveau. Dire qu’il y a quelques séances on avait presque tout perdu. Je me demande encore pourquoi… »
Un ange passe. Elle souffle un peu.
« En fait Jimmy, je ne te l’ai pas dit, mais… Il y a deux mois on a dû euthanasier Tango. »
Elle ne dit rien de plus, ses larmes coulent.
Et je comprends enfin.
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