Sa mère est avec elle en salle d’accouchement ; ma collègue m’a prévenu. J’avoue que j’ai été à moitié soulagé. Et à moitié sous pression.
On ne triche pas avec une mère quand elle vous confie son enfant.
C’était une jeune femme. Seize ans. « J’ai eu du mal jusqu’à ce qu’on lui pose une péridurale, m’a dit la sage-femme de jour, c’est un bébé qui fait un bébé. »
J’ai souvent entendu cette phrase et je la trouve horrible.
« Et son chéri, il est avec elle ?
− Oh non, tu penses, il fuit le truc. C’est un homme. Elle est avec sa mère. »
Dans mes dents. Merci, tu peux me laisser ramasser les morceaux restant de mon ego, je vais aller me présenter et faire le point avec ma patiente.
Rentre chez toi, oublie ta garde ;
et ne traite plus ma patiente de bébé.
Quand je suis entré dans la salle, j’ai vu une femme debout qui caressait les cheveux d’une femme allongée sur le côté.
Je me suis présenté, et le regard de la mère m’a transpercé, moi, ma blouse rose et mon sourire calme. Il s’est passé quelque chose derrière ce regard, puis elle s’est tourné vers sa fille et lui a dit tout bas. « Regarde, le sage-femme est là, dit bonjour. »
Elle m’a dit un petit bonjour, bas, à travers quelques larmes sèches. J’ai pris un essui-main pour qu’elle puisse se moucher.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
C’était un accident, mais elle ne voulait pas d’avortement. Son amoureux l’aimait toujours, disait-il, mais il avait disparu de la surface de la terre avec les premières contractions. Il devait être là, juré, mais elle est avec sa mère.
Sa mère qui la brosse, qui la berce, qui lui a tenu la main avant, pendant et après la péridurale.
« C’est pas grave, dit sa mère, c’est la famille. On va s’en occuper de ce bébé. »
Le service était calme, je savais que mon téléphone sonnerait pour une urgence.
J’avais le temps.
On a parlé de sa peur et de l’inconnue qui allait bientôt arriver.