Je crois que c’est presque devenu un tic de langage, à force, une façon de formuler mes phrases. Dans mes premiers contacts avec le monde du soin, je supportais mal que les encadrantes me parlent de mes difficultés d’asepsie verbale.
En gros, elles disaient « réfléchis à ce que tu dis, et à qui tu le dis, et, surtout, tais toi. »
L’asepsie verbale est très fortement attachée à cette idée que les mots peuvent blesser. Comme soignant et comme écrivaillon, je m’applique régulièrement à explorer le langage dans cette dimension si particulière qu’est la relation de soin. L’asymétrie fait que ma parole est chargée. Elle peut faire du bien, elle peut faire du mal. Si on dit que la plume est plus forte que l’épée, ma plume ressemble quand même à une très grosse épée.
Quand ma patiente se pose sur ma table d’examen, pour de la rééducation du périnée, je sais que mes mots doivent être choisi avec soins. Le périnée de mes patiente va de « Il est en très bon état votre périnée, on va pas avoir beaucoup de travail » à « Je pense que nous allons en avoir pour un peu plus de 10 séances ».
L’important, c’est de pointer le positif.
C’est « pas mal », « bien », « très bien », voir « parfait ». Ça ne m’empêche pas de donner des corrections techniques.
Quand ma patiente n’arrive pas à faire un exercice, je lui dis que c’était « intéressant » avant d’exprimer ce que j’ai senti de mon côté. Parce qu’il s’agit de prendre conscience de son corps, d’apprendre à mobiliser des muscles ; il s’agit de la partie la plus difficile à montrer à un autre être humain : son sexe.
Travailler sur le sexe des gens n’est jamais anodin. Ils sont très vulnérables.
À Noël, on défonce des portes ouvertes qui ne demandaient rien à personne.
Une sage-femme, devant ma cicatrice de césarienne mal fermée qui s’ouvrait, m’a dit « oh c’est pas grave, de toute façon vous avez un petit tablier qui va la cacher! » Mais moi je ne l’avais pas ce « tablier » avant cette grossesse, et je ne l’avais pas encore remarqué et je n’avais jamais entendu ce terme… Bon depuis je l’ai accepté et je me dis qu’il partira, ou pas, mais que ça n’est pas bien grave. Mais sur le moment, seulement une semaine après avoir accouché, ça ne m’a pas aidé à voir la vie en rose…
J’aimeJ’aime